Pendant la durée du contrat bail, le loyer peut être révisé de deux façons : par le jeu de la révision triennale ou par l’indexation prévue dans une clause d’échelle mobile. Ces mécanismes répondent à des règles précises qui encadrent la fixation du loyer et protègent les intérêts du bailleur comme du locataire.
I. Révision triennale du loyer
1. La demande de révision
La révision du montant du loyer peut intervenir tous les trois ans minimum, à compter de la prise d’effet du bail ou de la précédente révision, à la demande du bailleur ou du locataire (C. com., art. L.145‑38) :
La demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d’entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision.
De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable.
La demande doit impérativement être faite par lettre recommandée avec AR ou acte de commissaire de justice, et doit mentionner, à peine de nullité, le nouveau montant proposé.
Le loyer révisé prend ainsi effet à compter de la date de la demande.
2. Plafonnement et déplafonnement du loyer révisé
En principe, le nouveau loyer est plafonné : il ne peut dépasser la variation de l’indice de référence choisi (ILC ou ILAT).
Toutefois, un déplafonnement est possible si la valeur locative a évolué, notamment en cas de modification importante des facteurs locaux de commercialité (C. com., art. L.145-38, al. 3).
Plus précisément, le bailleur doit démontrer que la modification des facteurs locaux de commercialité a entrainé une variation de plus de 10% de la valeur locative.
Cependant, la loi prévoit que la hausse résultant du déplafonnement du loyer ne peut être supérieure à 10% par an.
Pour rappel, la valeur locative est la référence de principe. Elle est appréciée selon plusieurs critères édictés notamment à l’article L.145-33 du Code de commerce :
Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :
1. Les caractéristiques du local considéré ;
2. La destination des lieux ;
3. Les obligations respectives des parties ;
4. Les facteurs locaux de commercialité ;
5. Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;
Un décret en Conseil d’Etat précise la consistance de ces éléments.
II. Fixation du loyer du bail renouvelé
1. La demande de renouvellement du bail commercial
A l’expiration du contrat de bail, le bailleur peut adresser une offre de renouvellement du bail à son locataire. Cette demande doit être adressée au plus tard 6 mois avant la date d’échéance du bail, par acte de commissaire de justice (C. com., art. L.145-9).
Cette demande peut également intervenir à l’initiative du locataire, dans les 6 mois qui précèdent l’expiration du bail.
2. Loyer du bail renouvelé
En principe, le loyer du bail renouvelé est déterminé en fonction de la valeur locative (C. com., art. L.145-33).
A défaut d’accord entre les parties, cette valeur locative est fixée par le juge des loyers commerciaux, qui aura nécessairement recours à un expert judiciaire.
3. Plafonnement du loyer du bail renouvelé
Le législateur a prévu un mécanisme de plafonnement du loyer du bail renouvelé dans un objectif de protection du locataire.
Ainsi, l’article L.145-34 du Code de commerce prévoit que le taux de variation du loyer du bail renouvelé ne peut excéder la variation de l’indice applicable (ILC ou ILAT).
Toutefois, ce plafonnement ne s’applique pas :
- lorsque le bail a été conclu pour une durée supérieure à neuf ans ou si, par l’effet d’une tacite reconduction, sa durée a excédé douze ans
- en cas de modification notable des facteurs de commercialité mentionnés à l’article L.145-33 du Code de commerce
- lorsque le bail porte sur des terrains nus ou monovalents ou a usage exclusifs de bureaux
3. Plafonnement du déplafonnement du loyer du bail renouvelé
Toujours dans un constant souci de protection du locataire, un mécanisme de « plafonnement du déplafonnement » a été instauré par loi Pinel.
L’article L.145-34 du Code de commerce dispose ainsi :
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
En cas de modification des facteurs de commercialité ou si la durée de bail est supérieure à 9 ans en vertu d’une clause du contrat, la variation du loyer pour une année ne peut être supérieure à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
III. Révision conventionnelle du loyer
1. Clause d’échelle mobile (indexation automatique)
Lors de la conclusion du bail, les parties peuvent insérer une clause d’indexation, ou d’échelle mobile.
L’indice d’indexation est choisi librement par les parties.
Pour être valide, la clause doit :
- prévoir que l’évolution du loyer sera réciproque, à la hausse comme à la baisse (Civ. 3, 14 janv. 2016, n°14-24.681)
- la période de variation de l’indice ne doit pas excéder la durée écoulée entre deux indices
Limites légales
Afin de protéger les parties contre des fluctuations trop importantes, l’article L.145-39 du Code de commerce prévoit que, lorsque la clause d’indexation a entrainé une variation de loyer de plus de 25%, le juge peut intervenir à la demande d’une partie pour substituer au loyer résultant du jeu de la clause un loyer égal à la valeur locative.
De la même manière, un mécanisme de lissage du loyer, par seuil de 10% par an du dernier loyer acquitté est applicable.
2. Clause recettes
Le bailleur et le locataire peuvent également convenir d’une indexation du loyer sur le chiffre d’affaires.
Dans une telle hypothèse, la jurisprudence a déclaré que les parties ne peuvent invoquer les dispositions protectrices de l’article L.145-39 du Code de commerce.
IV. Recours en cas de conflit
1. Saisine judiciaire
En cas de désaccord, le juge des loyers commerciaux peut être saisi pour fixer le loyer à la valeur locative. Le président du tribunal judiciaire a compétence exclusive pour connaître des contestations relative à la fixation du prix du bail renouvelé ou révisé (C. com., art. R145-23).
La saisine du juge des loyers commerciaux est nécessairement précédée par la notification d’un mémoire par courrier recommandé avec demande d’avis de réception. Le juge ne peut être saisi, à peine d’irrecevabilité, qu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi (C. com., art. R.145.-27).
2. Commission de conciliation
La commission départementale de conciliation peut être saisie avant tout recours judiciaire, notamment pour les questions de plafonnement et de valeur locative.
Conclusion
La révision du loyer commercial est un mécanisme incontournable de la vie du bail. Qu’il s’agisse de la révision triennale légale, d’une clause d’indexation ou du renouvellement du bail, chaque modalité obéit à des règles strictes dont le non-respect est source de contentieux.
Pour le bailleur, c’est un moyen de préserver la rentabilité de son bien ; pour le locataire, une garantie contre les augmentations excessives. La clé réside dans une anticipation rigoureuse dès la rédaction du bail et une vigilance constante à chaque étape.