Instabilité du sol et responsabilité de l’architecte : quand le sol se dérobe


L’architecte joue un rôle crucial dans la conception des immeubles, notamment en prenant en compte l’instabilité du sol. En cas de vice du sol ou de non-respect des études de sol, l’architecte peut être tenu responsable des dommages affectant la solidité de l’ouvrage. Il a l’obligation légale de mettre en garde le maître d’ouvrage contre les risques encourus.

La jurisprudence récente met en lumière l’importance de cette responsabilité et la nécessité pour l’architecte de conserver des preuves de ses conseils, notamment dans les cas où son client refuse de faire réaliser une étude de sol ou en néglige les préconisations.

L’architecte, acteur central de la construction

L’architecte occupe une place centrale dans la conception et la réalisation d’un projet immobilier. En tant que chef d’orchestre des travaux, il est, à l’instar de tout constructeur, responsable de plein droit des dommages portant atteinte à la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, même lorsqu’ils résultent d’un vice du sol.

Les risques liés à l’instabilité du sol

En pratique, l’architecte peut se retrouver confronté à des problématiques liées à l’instabilité du sol lors de la phase de conception, mais également au cours de la réalisation des travaux, par exemple à la suite du percement d’une dalle.

Que ce soit pour des raisons purement financières ou des contraintes temporelles, le maître d’ouvrage peut être tenté de ne pas réaliser d’études de sol ou de ne pas se conformer aux préconisations techniques de celle-ci.

L’obligation de prendre en compte les contraintes du sol

La Cour de cassation juge cependant de façon constante que l’architecte est tenu de concevoir un projet réalisable tenant compte des contraintes du sol et du sous-sol (Civ. 3e, 21 novembre 2019, n°16-23.509).

L’architecte doit concevoir un projet tenant compte des contraintes du sol pour éviter tout dommage futur. »

Ainsi, dans l’hypothèse où des fissures apparaissent dans le délai d’épreuve décennale, la responsabilité de l’architecte pourra être recherchée dès lors que le projet qu’il a conçu ne prend pas en considération les contraintes du sol.

Dans la mesure du possible, l’architecte doit convaincre son client de procéder aux études de sol et de se conformer aux préconisations de celle-ci.

L’acceptation délibérée des risques par le maître d’ouvrage

L’architecte peut toutefois être dégagé de toute responsabilité s’il démontre l’existence d’une cause étrangère, telle que l’acceptation délibérée des risques par le maître d’ouvrage.

Pour se prévaloir de l’acceptation délibérée des risques par le maître d’ouvrage, l’architecte ne peut se contenter d’avoir conseillé la réalisation d’une étude de sol. À cet égard, la jurisprudence rappelle que de simples recommandations ne suffisent pas à exonérer l’architecte de sa responsabilité (Civ. 3e, 11 décembre 2007, n°06-21.908).

« De simples recommandations de l’architecte ne suffisent pas. Une mise en garde claire et précise est nécessaire. »

Au-delà d’un simple devoir de conseil, la Cour de cassation impose à l’architecte un réel devoir de mise en garde du maître d’ouvrage face aux risques encourus en l’absence de réalisation d’étude de sol ou en cas de refus de suivre les recommandations techniques préconisées.

Jurisprudence récente : entre rigueur et flexibilité

Dans son arrêt du 15 février 2024, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a sanctionné un architecte en estimant qu’une acceptation délibérée des risques n’était pas suffisamment caractérisée dès lors qu’il n’était pas démontré « en quoi les maîtres de l’ouvrage avaient été parfaitement mis en garde et informés, par les locateurs d’ouvrage, des risques encourus par l’ouvrage à défaut de suivre le conseil donné de réaliser une étude de sol […] » (Civ. 3e, 15 février 2024, n°22-23.682).

« L’architecte doit ainsi être en mesure de prouver que le maître d’ouvrage a été parfaitement informé des conséquences de son refus. »

La Cour de cassation s’est révélée plus flexible dans un arrêt du 7 novembre 2024 en admettant qu’un maître d’ouvrage, vendeur en l’état futur d’achèvement, a accepté délibérément les risques « malgré l’avis défavorable du contrôleur technique » (Civ. 3e, 7 novembre 2024, n°22-22.794).

Cette décision doit toutefois être nuancée dans la mesure où le maître d’ouvrage, vendeur en l’état futur d’achèvement, est un professionnel qui ne peut être considéré comme un profane de la construction.

Conclusion

Lorsque le maître d’ouvrage refuse de réaliser une étude de sol ou de suivre ses recommandations techniques, l’architecte doit absolument démontrer qu’il a conseillé son client de réaliser cette étude et qu’il l’a averti de manière claire des risques pouvant menacer la solidité de l’immeuble.

« L’architecte doit impérativement se constituer la preuve qu’il a bien conseillé son client de procéder à une étude de sol et qu’il l’a clairement mise en garde s’agissant des risques pouvant compromettre la solidité de l’immeuble. »

Le devoir de l’architecte ne se limite donc pas à émettre des recommandations, mais implique une véritable obligation de mise en garde auprès du maître d’ouvrage. Il se révèle ainsi essentiel pour l’architecte de se constituer des preuves de ce qu’il a bien informé de manière claire et exhaustive son client des conséquences d’un refus de réaliser une étude de sol ou de suivre ses préconisations. À défaut, il s’expose à une mise en cause de sa responsabilité.

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