Illustration d’un immeuble en copropriété avec interdiction de location Airbnb

Airbnb et loi Le Meur : votre copropriété peut-elle vraiment vous interdire de louer votre logement ?


Promulguée le 19 novembre 2024, la loi Le Meur renforce considérablement l’encadrement des locations meublées de courte durée (type Airbnb) et donne de nouvelles possibilités aux copropriétés pour s’y opposer.

Objectif affiché : freiner la transformation massive de logements en meublés touristiques et préserver le parc locatif résidentiel. Mais dans les faits, votre copropriété peut-elle réellement vous empêcher de louer votre appartement ?


Avant la loi Le Meur : une interdiction déjà admise par la jurisprudence

La Cour de cassation avait déjà reconnu la possibilité d’interdire certaines locations de courte durée lorsqu’elles étaient incompatibles avec la destination de l’immeuble.

👉 Civ . 3e, 8 mars 2018, n°14-15.864
La Haute juridiction avait approuvé une cour d’appel ayant jugé qu’une location meublée de courte durée « avec prestations de service » ne correspondait pas à la destination d’un immeuble à usage mixte, excluant toute activité commerciale.

👉 Civ. 3e, 27 février 2020, n°18-14.305
Elle avait également confirmé la possibilité d’interdire une activité de location saisonnière dans un immeuble à usage d’habitation, lorsque l’activité revêtait un caractère commercial incompatible avec la clause d’« habitation bourgeoise ».

Dans cette affaire, une société louait 39 lots sur 60 à la journée ou à la semaine, avec l’intention affichée dans ses statuts de transformer l’immeuble en hôtel.

Les juges avaient considéré que cette activité dépouillait l’immeuble de sa vocation résidentielle et pouvait donc être interdite au regard de la destination de l’immeuble telle que définie par règlement de copropriété.

En résumé : avant la loi Le Meur, et selon la jurisprudence de la Cour de cassation, une telle interdiction est possible si :

  • le règlement de copropriété interdit les activités commerciales dans les lots à usage d’habitation ;
  • et si la location constitue une activité commerciale avérée (existence de prestations hôtelières).

Les nouveaux dispositifs de la loi Le Meur

Depuis le 19 novembre 2024, la loi Le Meur a modifié l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965. Les copropriétés peuvent désormais voter l’interdiction des locations meublées de tourisme, sous certaines conditions.

Article 26, d) de la loi du 10 juillet 1965 :


« Sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant :

[…] d) La modification du règlement de copropriété qui concerne l’interdiction de location des lots à usage d’habitation autres que ceux constituant une résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, en meublés de tourisme au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

La modification prévue au d du présent article ne peut être décidée que dans les copropriétés dont le règlement interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale. »

Conditions à remplir :

  • Le règlement de copropriété doit déjà interdire toute activité commerciale dans les lots à usage d’habitation (clause d’habitation bourgeoise) ;
  • L’interdiction ne peut viser que les résidences secondaires ;
  • La décision doit être adoptée à la majorité des deux tiers des voix (article 26).

La loi introduit également un nouvel article 8-1-1 :

Les règlements de copropriété établis après le 19 novembre 2024 doivent mentionner explicitement l’autorisation ou l’interdiction de la location en meublé de tourisme.


Une application concrète plus complexe qu’il n’y paraît

En pratique, la portée du dispositif est réduite :

  • L’interdiction ne concernera que les résidences secondaires, et non les résidences principales (maximum 120 jours par an) ;
  • Pour sanctionner un copropriétaire, il faudra démontrer que la location correspond à la définition du meublé de tourisme (article L. 324-1-1 du Code du tourisme).

Ces difficultés probatoires rendent ainsi les tentatives d’interdiction peu opérationnelles et risquent d’en limiter fortement l’efficacité. Le Syndic devra en effet démontrer que le lot concerné ne constitue pas une résidence principale et que la location peut être qualifiée de meublé de tourisme.

En ce sens, le critère de l’activité commercial retenu par la jurisprudence semble en pratique moins difficile à démontrer. La preuve de prestations de service hôtelières est en effet plus aisée à apporter.


Une atteinte au droit de propriété

Le texte autorise une restriction du droit de propriété au profit de la collectivité des copropriétaires. Cette atteinte au droit de propriété, bien que justifiée par l’intérêt général (lutte contre la pénurie locative), pourrait ne pas résister à l’examen du Conseil constitutionnel.


En conclusion

La loi Le Meur offre des outils supplémentaires aux copropriétés souhaitant limiter les locations touristiques, mais ces derniers semblent manifestement restreints dans leur portée.

Avant d’envisager de procéder au vote , il est recommandé de faire auditer votre règlement de copropriété afin de vérifier qu’il remplit les conditions nécessaires pour voter l’interdiction des locations meublées touristiques de courte durée.

L’efficacité de ces diverses interdiction devra également être appréciée au regard de leurs difficultés de mise en œuvre.

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