Illustration juridique : saisie conservatoire, protection des droits du créancier – Papineau Avocat Biarritz

Saisie conservatoire : protéger vos droits avant qu’il ne soit trop tard


Dans de nombreux litiges, il arrive que le débiteur organise son insolvabilité avant même qu’un jugement ne soit rendu : retrait de fonds, transfert d’actifs, dissolution de société… Face à ce risque, le droit offre au créancier une arme efficace : la saisie conservatoire.

Que vous soyez un particulier confronté à un débiteur qui ne vous rembourse pas, artisan, ou entreprise du bâtiment en attente du paiement de vos factures, ou encore en difficulté pour recouvrer des charges de copropriété, cette mesure peut s’avérer déterminante pour protéger vos droits avant qu’il ne soit trop tard.

La saisie conservatoire permet en effet de geler temporairement les biens ou les comptes du débiteur jusqu’à ce que la justice se prononce sur le fond. Elle constitue une mesure de protection rapide et efficace, souvent mise en œuvre en urgence par l’avocat pour éviter la disparition des actifs.

Il s’agit d’une mesure de précaution prévue par les articles L.511-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, destinée à préserver les droits du créancier en attendant qu’une décision judiciaire vienne constater la dette.

Autrement dit, cette mesure vise à éviter l’organisation de l’insolvabilité d’un débiteur qui se sait redevable, en empêchant tout transfert de fonds, retrait d’argent ou cession d’actifs susceptibles de rendre le recouvrement impossible.

I. Conditions de mise en œuvre

Le créancier peut pratiquer une saisie conservatoire dès lors qu’il justifie d’une créance paraissant fondée en son principe et qu’il existe des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement :

« Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire. » (C. pr. exéc., art. L.511-1)

La Cour de cassation précise que le créancier doit seulement justifier de l’apparence d’une créance fondée en son principe :

« […] toute personne justifiant d’une apparence de créance et de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire […] » (Com., 15 déc. 2009, n°08-19.432)

Exemples de situations justifiant une telle mesure :

  • débiteur en difficulté financière manifeste (ex. : SCI risquant la défaillance – Com., 25 mars 2020, n°18-17.924) ;
  • risque avéré de dissimulation d’actifs ou d’organisation d’insolvabilité ;
  • projet de cession d’entreprise ou transfert de fonds à l’étranger.

La saisie conservatoire doit, en principe, être autorisée par le juge de l’exécution (JEX) ou le président du tribunal de commerce du lieu où demeure le débiteur, saisi sur requête.

Cas d’exemption d’autorisation préalable :

L’article L.511-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit certaines situations dans lesquelles une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire. Il s’agit notamment des cas suivants :

« Une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque, des provisions mentionnées au premier alinéa de l’article 19-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, exigibles ou rendues exigibles dans les conditions prévues au même article 19-2, ou d’un loyer resté impayé dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles.» (C. pr. exéc. art. L.511-2)

III. Sur quels biens ou sommes peut-elle porter ?

La saisie conservatoire peut viser tout bien appartenant au débiteur, notamment :

  • les sommes figurant sur ses comptes bancaires ;
  • les créances détenues par des tiers (clients, locataires, etc.) ;
  • les revenus ou indemnités dus au débiteur ;
  • les meubles corporels susceptibles d’être saisis.

Certaines sommes demeurent insaisissables, notamment :

  • les minima sociaux ;
  • le solde bancaire insaisissable, équivalant au montant du RSA pour une personne seule.

IV. Déroulement de la procédure

1. L’autorisation du juge de l’exécution

Sauf les cas où l’autorisation préalable du Juge de l’exécution ou du président du tribunal de commerce n’est pas nécessaire, le créancier, représenté par son avocat, saisit le juge compétent du lieu où demeure le débiteur.

La requête doit préciser :

  • la nature et le montant de la créance ;
  • les éléments de preuve ;
  • les circonstances justifiant le risque de non-recouvrement.

Le juge rend une ordonnance sur requête autorisant ou refusant la saisie sur des biens déterminés.

Il détermine dans son ordonnance le montant des sommes pour la garantie desquelles la saisie conservatoire est autorisée ainsi que les biens sur lesquelles la mesure porte (C.pr.exéc. art. R.511-4)

2. La saisie par commissaire de justice

Le commissaire de justice (ancien huissier) procède à la saisie des créances ou comptes visés, généralement auprès d’une banque, d’un client ou d’un tiers débiteur.

Le tiers saisi doit déclarer les sommes détenues et en bloquer la disposition (C. pr. exéc. art. R.523-4).

3. La dénonciation au débiteur

Dans les 8 jours suivant la saisie, l’acte doit être dénoncé au débiteur par commissaire de justice (art. R.523-3 C. pr. exéc.).

Cette dénonciation mentionne :

  • l’origine de la mesure ;
  • le montant concerné ;
  • les recours possibles devant le JEX.

À défaut de dénonciation dans le délai, la saisie est caduque.

4. L’action au fond

La mesure étant provisoire, le créancier doit introduire une action au fond dans le mois suivant la saisie, à peine de caducité de la mesure(C. pr. exéc. art. L.511-4).

Cette action judiciaire doit être introduite dans le mois qui suit l’exécution de la mesure (C. pr. exéc. art. R.511-7).

Une fois la décision obtenue, la saisie conservatoire peut être convertie en saisie-attribution, permettant le paiement effectif des sommes bloquées.

V. Les obligations du tiers saisi

Le tiers saisi (banque, notaire, client, etc.) joue un rôle essentiel. Il doit répondre immédiatement au commissaire de justice et lui indiquer :

  • l’existence et le montant des sommes détenues pour le compte du débiteur ;
  • les cessions, nantissements ou saisies antérieures.

En cas d’absence de réponse ou de fausse déclaration, il s’expose à de lourdes sanctions, pouvant aller jusqu’à sa condamnation au paiement des sommes saisies ainsi qu’au paiement de dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère (C. pr. exéc. art. R523-5).

VI. La conversion en saisie-attribution

Lorsque la créance est reconnue judiciairement, par un titre exécutoire, la saisie conservatoire devient une saisie-attribution.

Le créancier obtient alors un droit direct sur les sommes bloquées, lesquelles sont versées en paiement après signification au tiers saisi.

Cette conversion confère à la mesure toute la force d’une exécution forcée, rendant la créance immédiatement recouvrable.

VII. Les contestations possibles

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge de l’exécution pour :

  • contester la validité de la saisie ;
  • demander la mainlevée si les conditions ne sont pas réunies ;
  • ou solliciter une substitution de garantie (caution, dépôt, etc.).

Le juge peut également ordonner la mainlevée d’office d’une saisie conservatoire s’il venait à être démontré que le créancier ne dispose d’aucune créance fondée en son principe et qu’il n’existe aucune circonstance susceptible de menacer le recouvrement de la créance.

Des dommages et intérêts peuvent également être alloués au débiteur en cas d’abus de saisie (C. pr. exéc. art. L.121-2).

Le créancier souhaitant mettre en œuvre une saisie conservatoire sans autorisation préalable du juge devra ainsi veiller à être en mesure de justifier des conditions exigées : l’apparence d’une créance fondée en son principe et l’existence de circonstances de nature à menacer son recouvrement.

Conclusion

La saisie conservatoire constitue un instrument de protection indispensable pour le créancier qui craint de ne jamais être payé. Mesure rapide et efficace, elle permet de préserver les actifs du débiteur avant qu’ils ne disparaissent, garantissant ainsi la possibilité d’un recouvrement ultérieur.

Sa mise en œuvre nécessite toutefois une analyse rigoureuse des conditions de mise en œuvre et une parfaite maîtrise de la procédure devant le juge de l’exécution. L’assistance d’un avocat s’avère alors essentielle pour sécuriser la mesure et éviter tout risque de caducité ou de contestation.

Qu’il s’agisse d’une facture ou de loyers impayés, la réactivité est déterminante : agir à temps permet souvent d’éviter la perte définitive de la créance.


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